Fraîchement débarqué du Québec, William Cloutier a rejoint la troupe de Starmania qui joue à guichet fermé depuis mi-novembre à Paris.
Lorsqu'il prête ses traits au révolté Johnny Rockfort, c'est d'un même bravo que le public salue sa prestation. Pour en prendre toute la mesure, il suffit simplement de prendre le pouls de la salle, de lire les nombreux commentaires à son sujet ou de voir l'accueil que le public lui réserve quand il part à sa rencontre après le spectacle.
Photo : Célia Voisin
De prime abord, se représenter l'altruiste William incarner le dur à cuire Johnny Rockfort pourrait demander une bonne dose d'imagination. Et pourtant, à peine entré en scène, l'artiste donne le ton en endossant le costume de ce personnage qui n’a de cesse d’évoluer tout au long du spectacle avec des nuances vocales et émotionnelles finement interprétées.
Fort de plusieurs années d'école de théâtre dont il est sorti diplômé en 2019, William dévoile sur Starmania une autre facette de son talent en mêlant habilement l'art de la comédie dramatique et celui de l'interprétation. Ecorché vif enrôlé par l'impitoyable Sadia, frappé par l’amour de l'innocente Cristal qui le radoucit, Johnny Rockfort demande à déployer une foule d’interprétations éclectiques que William incarne avec justesse à l’image de la large palette vocale qu’exige le “SOS d’un terrien en détresse”.
Photo : Célia Voisin
Le personnage de Johnny Rockfort, le chef anarchiste des zonards, puis des étoiles noires, débarque avec toute sa rage qu'il déchaine sur la ville de Monopolis. Avec sa bande, armée de battes de base-ball et de parpaings, il a "tout cassé avant de partir" et erre dans un monde qui ne lui correspond pas. Le premier tableau de Johnny Rockfort avec le titre survolté "Quand on arrive en ville" est porté par une mise en scène forte, entre les ombres et la lumière, accentuant le côté menaçant, et qui demande à l'interprète de Johnny une abnégation certaine pour jouer ce rôle.
Photo : Anthony Dorfmann
Après un passage où il revient à William de chanter, seul, a cappella, un silence profond se fait dans le public, devant la scène qui s'anime sous leurs yeux avant que la musique reprenne. Une entrée en scène fracassante à l'image du personnage fracassé de Johnny Rockfort. William a su développer une gestuelle particulière qui donne à Johnny, au delà du maquillage scénique, un air bien pensé du personnage de "Joker" de DC Comics, à la fois désaxé et mystérieux.
William fait ensuite ressortir l'humanité de Johnny, par fines touches, au fur et à mesure que l'histoire progresse. A l'image de son personnage dont l'apparence s'apaise - disparu le vernis noir sur les ongles et le maquillage outrancier - William apporte de la subtilité à son interprétation au fil de la narration en modulant sa voix d'exception au rythme des chansons. Quand Johnny Rockfort, à l'origine prêt à en découdre avec le monde entier rencontre Cristal, son interaction avec l'univers qui l'entourne évolue vers un regard nouveau. Mais Cristal, en tombant amoureuse de Johnny, se laisse happer par la soif de liberté que Johnny ressentait auparavant en laissant sa part d'ombre l'envahir. Ces deux personnages arrivent à un point de bascule que William s'attache à illustrer dans les mimiques et les intonations de Johnny qui se construit sur cette contradiction.
Photo : source web - si vous êtes l'auteur de cette photo, n'hésitez pas à me le faire savoir, je rajouterai votre crédit.
Côté chant, la voix de William se prête avec aisance aux titres mythiques de Starmania, de "Quand on arrive en ville, "Banlieue Nord", à "Quand on n'a plus rien à perdre". Des mots/maux d'une âme en peine, lâchés dans une clameur furieuse et maitrisée ; aux mots/maux du cœur offerts dans une émotion profondément désarmante, William parvient à plonger pleinement dans les paroles pour en dépeindre chaque sens.
Johnny Rockfort finit par trouver un sens à sa vie en rencontrant Cristal dont il s'éprend avec passion : "Moi j'ai toujours rêver de rencontrer un ange, je suis venu au monde en criant au secours, j'ai besoin d'amour". Mais la douce Cristal qu'il a tant attendu : "toute ma vie j'ai rêvé d'avoir quelqu'un à aimer, j'ai peur pour toi tu sais, on pourrait s'en aller et tout recommencer" le mène à sa propre perte. Alors que Johnny voit en elle une seconde chance, Cristal, au contraire, veut faire exploser, littéralement tout ce qui l'oppresse et lui répond "J'ai tout quitté pour toi !, il faut qu'on fasse un coup d'éclat !". Un dernier coup d'éclat qui finira par les emporter tous les deux, Cristal s'éteint dans les bras de Johnny. Résonne alors l'incontournable chanson "Le SOS d'un terrien en détresse" dont la voix de William survole la partition, jusqu'à s'élever 2 octaves et demi plus haut.
Photo : Anthony Dorfmann
''Le SOS d'un terrien en détresse" reste un moment clé où le temps semble suspendre son vol avec l'interprétation qu'offre William, laissant rayonner toute sa puissance vocale et émotionnelle ; sublimant au passage les paroles de la chanson. "Pourquoi je vis, pourquoi, je meurs ? Pourquoi je ris, pourquoi je pleure ?". Sa voix délivre alors toute la véracité de Johnny et semble filer, note après note, des sous-sols violents de Monopolis à la beauté paisible d’un ciel étoilé où l’attend désormais Cristal ; laissant s’échapper au passage quelques larmes au coin des yeux des spectateurs, emportés par l'émotion.
Une performance de haute volée à saluer car au delà de chanter ce titre incroyablement exigeant vocalement, William se retrouve sous les traits de Johnny accroupi, un genou à terre, soutenant le corps de Cristal d'une main, le micro dans l'autre.
Photo : Célia Voisin
Les spectateurs conquis par l'interprétation et le timbre de William le font savoir en laissant de nombreux commentaires sur le web ou en rejoignant ses réseaux sociaux. D'autres, séduits par son talent, partent à la découverte de sa carrière solo et s'emparent de son premier album "On ira". Album qui lui a valu une nomination à l'Adisq 2022 (Victoires de la musique au Québec), un an à peine après avoir remporté la Star Académie québécoise. Enfin, quand William arpente le hall de la salle à la rencontre du public à la sortie du spectacle, il ne faut pas longtemps pour qu'un petit rassemblement se forme, pour lui demander un autographe ou lui dire combien ils l'ont trouvé incroyable.
Une histoire avec Starmania qui semblait écrite : William, du haut de ses 12 ans, chantait déjà à la télévision québécoise "Le Blues du businessman" avec le fameux "J'aurais voulu être un artiste" qu'il est, assurément, devenu.
Célia Voisin
Mes photos sont visibles sur mon Instagram : https://www.instagram.com/celia_spectacles/
Vidéo : Célia Voisin
Un texte magnifiquement écrit … que du bonheur de vous lire. 😍
William est un artiste unique, un interprète exceptionnel … il mérite la lumière présente sur lui en ce moment !!!
Written with love and appreciation, thank you 👏💫🎶✨