« Le chemin », titre du dernier album d’Emmanuel Moire (ou « Manu »), aura fait une halte reconnue et méritée à la mythique salle de l’Olympia… La reconnaissance d’une carrière qui aura regagnée son sommet… La renaissance de l’homme qui a su toucher au cœur un public devenu éclectique. Les retrouvailles avec l’Artiste qui se livre aujourd’hui avec toute sa véracité…
Les traditionnelles lettres rouges, écrivant leur hôte, de lumière, ont accueilli les plus fervents et motivés spectateurs dès le début de l’après-midi… Des heures d’attente, à en prendre racine, régulièrement balayées par un vent plus que rafraîchissant qui ont fait du Starbucks Coffee d’à côté le meilleur compagnon de chacun pour patienter… un vrai réconfort pour les mains et le corps que ses savoureuses boissons chaudes… Les heures défilent au gré des conversations, des gobelets de café et autre chocolats chauds, puis enfin … il ne reste plus qu’une heure à patienter avant de se mettre (plus que bien) au chaud… La bonne surprise arrivera à 18h30, la salle ouvrant ses portes avec une demi-heure d’avance sur l’heure prévue… On s’affaire à sortir ses places dans un calme empreint d’impatience. Le hall couvert des affiches des artistes qui sont passés ou passeront par-là et les rideaux de broca rouge défilent devant les regards qui ne s’attarderont qu’au passage retour avec un seul objectif : s’approcher de la scène et ne plus en bouger. Alors les manteaux s’effacent des épaules et s’enserrent autour des tailles, offrant un défilé qui aurait sauté les pages du printemps pour passer de l’hiver directement à l’été. On s’étire comme on peut, assis par terre ou à chercher la place idéale, chacun se prépare à vivre un moment d’exception. On observe la scène toute proche, un piano blanc immaculé attend patiemment les mains de l’artiste, des pupitres au second plan laissent imaginer les violons qui résonneront bientôt de leurs cordes, tout comme les guitares dans un subtil mélange de classique et de pop. La salle se remplit petit à petit après le flot des premiers arrivés, certains ne manquant pas de remarquer très vite les parents de Manu au 1er rang du balcon, ce soir promet d’être peut-être plus intense encore et riche en émotions…
Les lumières finissent par se tamiser, 20h… enfin « Le chemin » va laisser son empreinte ici, pour un dernier Olympia… Une voix familière, celle que tout le monde attend, salue d’un « bonsoir » naturel et enjoué depuis les coulisses… L’effet ne se fait guère attendre, ce bonsoir sera la première étincelle qui embrasera la salle qui s’exclame déjà tel un feu d’artifice ! Manu nous présente sa première partie, un charmant trio de demoiselles, les Sirius Plan, qui pendant 25 minutes vont bercer la salle de leur voix et textes enivrants. Manu se prendra même quelques boutades par micro interposé comme sur un accent sarthois mais déjà l’ambiance est au partage, la salle ne se bridant pas le moins du monde pour répondre à la scène. Les Sirius Plan ont relevé le défi d’apprivoiser la salle, si bien qu’un instant on oublierait presque pour qui on est venu et repartent sous des applaudissements soutenus.
On s’attend à enchaîner avec Manu, les mains sont échauffées et prêtes pour deux heures de folie mais une voix monotone vient quelque peu refroidir le feu qui s’est embrasé : « L’Olympia vous offre 20 minutes d’entracte » … 20 minutes encore à attendre alors qu’on était déjà dans l’ambiance… soupir …. Alors on relativise, on est plus à 20 minutes près quand on patiente depuis des heures… Et puis l’entracte passe finalement à une vitesse appréciable avec l’agitation qui s’est emparée de l’étage… Des flashs fusent… Olympe, révélé par The Voice, a été vite repéré et se prête volontiers au jeu des photos et des autographes.
20h45… et le feu qui couvait reprend de plus belle quand les musiciens entrent en scène… Ne tardent pas à résonner les mélodies inoubliables comme Etre à la hauteur du Roi Soleil, ces mélodies qui retracent par extraits finement choisis la carrière d’Emmanuel… offrant même au public un privilège dont on prendra conscience plus tard : celui de chanter aux sons tantôt symphoniques, tantôt électriques de son orchestre… Après les mains, voici que les voix sont échauffées… Et finalement ce ne sont pas les heures d’attente qui paraissent interminables mais ces secondes, bientôt des minutes, à guetter l’arrivée de Manu, qui sait manifestement se faire désirer… L’introduction instrumentale finit même par prendre des airs de doux supplice à faire durer le moment quand la silhouette tant attendue se dessine en ombre dans la lumière bleue du projecteur central…
Manu, que scande déjà à tout rompre le public avance pas, à pas, vers le micro au son de « La vie ailleurs »… Enfin la voix que l’on attendait se met à chanter, à se livrer, à vivre chacune de ses paroles, une voix sur laquelle on se fixe pour ressentir à son tour le texte dans toute son intensité, à en fermer presque les yeux puisqu’on ne devine que le visage dans l’ombre de la lumière bleue… Pendant les premières minutes, la salle déjà en liesse contraste de façon impressionnante avec la droiture d’Emmanuel qui ne bouge pas d’un millimètre devant son micro, s’effaçant pour livrer son parcours qui l’a amené jusqu’à ce soir. « Demain sera le jour, où rien, ne sera plus pareil, j’ai attendu mon tour, voilà, je réponds à l’appel… », l’appel… entendu d’un artiste à son public, l’appel… attendu d’un public à son artiste… « Demain sera le jour, où simplement la veille, un voyage au long cours… » c’est alors que la mise en scène prend tout son sens quand le visage d’Emmanuel s’éclaire soudainement d’une lumière dorée sur « enfin, de retour… l’étincelle… ! » Et quelle belle étincelle ! Vibrante, vivante, qui sonne comme un merci, un partage… Une étincelle qui se reflète dans les yeux de chacun et finit d’embraser le public…
Artiste et public ont mutuellement répondu « à l’appel », se (re)trouvant, sous les feux des projecteurs. Les retrouvailles sont intenses, comme les pages qu’il a fallu écrire pour l’un et lire patiemment pour les autres pour se retrouver ensemble là, ici à l’Olympia, au cœur du même chapitre. Comme le fait remarquer Manu, visiblement touché et porté par cet élan, l’ambiance a déjà atteint un degré de folie digne d’une fin de concert… ce à quoi il répond dans un large sourire que « ça ne le dérange pas du tout, au contraire » et il en profite pour d’ores et déjà remercier ce public, venu en nombre, pour ces années de soutien, pour être là, tout simplement… Manu invite alors à retracer avec lui « Le chemin » et offre un concert fort bien construit… A l’image de son dernier album, il ouvre sans retenue, sans égard, les portes de son cœur, de son âme, de son vécu, de ses épreuves, de tout ce qui fait de lui celui qu’il est devenu…
Commence alors le chemin par « La blessure», où quand devant une blessure vive, on s’efforce de moins souffrir, on apprend à vivre avec jusqu’à la transformer en force même si elle reste bien ancrée en soi « Quelle que soit la blessure, elle ne se voit pas trop, c’est forcément l’usure, moi je fais ce qu’il faut, pour garder fière allure, les jours où il faut beau, quelle que soit la blessure, elle ne se voit… pas trop… ». Le texte est à l’origine d’une intensité incroyable, alors le lire sur le visage de celui qui la (re)vit pleinement, la voir dans son regard dont la brillance s’intensifie à mesure des paroles jusqu’à atteindre les larmes tantôt de colère, tantôt d’acceptation est un moment bouleversant qui force indéniablement l’admiration… Et Manu ressort en un instant de cette blessure, qui a bien cicatrisée, la démonstration est impressionnante, les larmes qui perlaient l’instant d’avant au coin de ses yeux s’effacent dans un sourire alors qu’elles s’attardent encore dans les yeux de quelques-uns dans la salle…
Et l’on poursuit ensemble le chemin au gré des chansons, on marche dans ses pas, découvrant, se reconnaissant même, parfois, souvent… S’il fallait deux mots pour illustrer ce concert, partage et véracité seraient les plus appropriés… Partage qui parfois part même dans un fou rire commun quand un « Manu, je t’aime ! » fuse d’un côté de la salle et que de l’autre côté on entend en réponse « nan, c’est moi ! » … ! Et que c’est exquis d’entendre le rire de Manu qui, après avoir commenté d’un « c’est excellent, j’adore » à même imiter en exagérant d'un « nan, c’est moi, d’abord » avec ton enfantin ; éclater d’un son cristallin quand tout le monde croit avoir repris son sérieux.
S’enchaînent alors, tantôt au piano, tantôt tranquillement posé sur un tabouret, jusqu’à commencer doucement mais surement à se mouvoir face au micro, les titres « Suffit mon amour », « Venir Voir », « L’adversaire », « L’attraction »… Manu nous conte son histoire au gré de ses chansons dont les textes se comparent volontiers à des chapitres de sa vie qu’on pourrait lire même avec les yeux fermés tant ils sont empreints de vérité…
Ainsi construit, le concert est une véritable biographie de l’artiste dans laquelle on se laisse embarquer par la voix, par la main, par le cœur. L’immersion est totale et incroyablement touchante de véracité… On aurait pu se sentir gêné d’être aussi intiment invité mais il n’en est rien, bien au contraire… C’est un vrai partage, parfois en miroir, assumé, bluffant de vécu, qui défile sur le visage de Manu, si bien qu’on relit, qu’on revit, avec lui, les chapitres de sa vie. Rares sont les artistes capables de plonger avec autant de véracité dans leur histoire et de regagner la surface dès que les dernières notes des chansons résonnent. Et les regards qu’il accroche volontiers entre deux chansons expriment un bonheur non feint quand il semble lire avec joie à son tour au cœur de l’âme de chacun. Idem quand à la fin Manu prendra le temps de descendre devant la scène pour serrer les mains qui s'offrent à lui et la reconnaissance est pleine de gratitude... Là encore, Manu n'est pas avare de regards, remerciant les yeux dans les yeux les gens qu'il croise, toujours avec ce même partage, cette même véracité...
Le concert se poursuit en version chorale… La salle reprend en chœur « Etre à la hauteur » et « Le sourire » qui ont marqué les débuts de la carrière de Manu. On aurait presque vu les décors du Roi Soleil se dessiner tout autour quand Manu a repris ses mimiques du spectacle. Et « Le sourire » fut sur toutes les lèvres ce soir illustrant à merveille « Je donne un sourire et soudain on a le même » … « Sans dire un mot » marque ensuite la transition avec -la- séquence émotion du concert…
En effet, Manu prend délicatement une bougie qu’il allume d’un geste plein d’assurance et la pose sur le piano… Alors la salle ne dit plus un mot, un silence impressionnant s’est abattu sur le public, un silence plein de respect… car chacun aura compris que la flamme qui brille de tout son éclat sur le piano derrière lequel vient de s’installer Manu rend hommage à son frère jumeau parti trop vite… Baigné d’une douce lumière bleue, Manu interprète « Sois tranquille » … L’hommage monte doucement en intensité, les notes légères du piano se succèdent avant de s’accorder au vibrato profond des violons qui accompagnent crescendo l’émotion qui a gagnée la salle… Salle qui se tient parfaitement droite, profondément respectueuse de cet instant, s’accordant une pensée pour les parents de Manu présents ce soir et qui n’en finit plus d’applaudir d’un rythme impressionnant d'unicité...
Toujours dans la même logique, Manu enchaîne donc avec « Beau malheur », le titre qui aura renoué avec son public… La chanson digne d’une leçon de vie sonne comme un message d’espoir pour tous ceux qui sont ou passeront un jour par là, pour tous ceux se perdront un instant sur leur chemin pour mieux le retrouver aussi… Les voix sortent à nouveau de leur silence et on chante à tout va en s’appropriant le texte. L’ambiance a repris des airs de fête sur le train entraînant de la musique, et le chapitre suivant s’écrit avec « Ici Ailleurs » avant de transformer assurément l’Olympia en night-club … !
Le piano-voix d’un peu avant contraste avec la douce folie qui gagne la salle au son d’ « Adulte et sexy » qui s’enchaîne à merveille avec « Ne s’aimer que la nuit » … Les lumières jouent alors les stroboscopes et on se laisse peu à peu emporter par la transe, on se lâche, sur scène, dans la salle, on s’offre un de ces moments rares hors du temps où plus rien ne compte que l’instant… Il faut dire que les textes, fort bien écrits, et les musiques envoûtantes, entraînantes, invitent volontiers au lâcher prise … Le sol de la salle vibre même sous les corps qui se délient, on danse, on se libère, on s’éclate, on profite, on vit, tout simplement… ! La température a encore gagné quelques degrés, menaçant sérieusement de faire exploser le thermomètre ! Il faut dire que d’entrée de jeu, on a eu chaud et le public n’aura pas manqué de souligner avec taquinerie les éléments vestimentaires de Manu qui se sont ouverts, parfois à finir par disparaître tout au long du concert… Il faut dire qu’il l’a bien cherché aussi… Il parait avoir demandé aux Sirius Plan que tout le monde ait enlevé son gilet à la fin de leur prestation… Evidemment il fallait lire la phrase au sens métaphorique mais ça n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd… Si bien que cette histoire est devenue un petit jeu accompagné de sifflets grandissants quand la veste s’est ouverte, puis a disparu, un peu plus loin c’est le gilet sans manches qui s’ouvre et disparaît à son tour… Ne reste plus que la chemise… (bordée d’une paire de bretelles donnant à Manu un petit air de Cabaret…) dont les manches se retroussent sous des rires taquins presque réprobateurs de ne pas en voir plus car on s’arrêtera là… Manu lâche dans un sourire mutin que s'il " est comme tout le monde, qu'il aime bien s'amuser, il n'est pas un garçon facile " quand quelqu'un lui dit qu'il peut faire tout ce qu'il veut, alors on éclate de rire à son tour avant que Manu ne lance bien amusé un « hein, Maman ?! » en direction de sa mère, jouant sur les mots, se provoquant lui-même un rire hilarant qui gagne le public à son tour. Manu s’offre même un bain de foule traversant le public de la fosse pour aller danser un peu avec chacun, beaucoup avec tout le monde…
Et ce sont sur ces notes que le concert s’achève…où presque… L’heure du rappel a sonné et dans la fosse, on s’époumone à gonfler les jolis ballons rouges en forme de cœur que des fans ont distribués un peu plus tôt dans la file d’attente. Manu revient sur scène sous un tonnerre incessant d’applaudissements et ces ballons qui délivrent symboliquement leur message… ce à quoi Manu répond d’emblée « c’est ce qu’on appelle de l’amour je crois, et c’est beau de le partager non ? »… Puis Manu souhaite finir ce concert comme il a commencé et invite les trois charmantes demoiselles de Sirius Plan à le rejoindre… Ils chantent alors un « C’est promis » des plus mélodieux à quatre voix, la chanson prend des airs nouveaux et on savoure l’instant…
Il est alors temps de présenter et de remercier (attention à bien applaudir à chaque fois sinon garde au sympathique petit rappel à l’ordre) l’équipe, musiciens, techniciens, tout ceux sans qui ce soir, comme les autres, ne pourrait avoir lieu. La fin du concert sonne déjà…et est parti pour s’achever logiquement avec « Quatre vies »… Manu s’accorde alors un petit tête à tête avec ses parents au balcon, cette chanson retraçant tous les chapitres de sa vie sur le fil conducteur de « je suis [l’enfant, l’adulte, l’homme] et le fils » … Là encore, on ressent profondément l’intensité du message qu’il adresse … ce soir, les yeux dans les yeux avec ceux qui le reçoivent, dans la salle mythique de l’Olympia…
Ainsi « Le chemin » s'achève… mais avec un titre inédit… ! Quel beau cadeau et quel moment de simplicité partagé… Manu a laissé ses oreillettes et son micro pour comme il a l’a dit, nous offrir « un titre inédit… avec un instrument … nouveau » a cappella, juste accompagné de sa guitare (Ndlr : c’est l’instrument nouveau)… Et la chanson se propage dans l’esprit, le cœur, l’âme de tous dans la salle sur ces paroles qui ne pouvaient offrir de plus belle conclusion, pour que chacun écrive désormais...son propre chemin...
« Le chemin est une ronde, où vas-tu maintenant ? Maintenant que tu écoutes un ami, cette chanson simplement, que tu sois tout seul ici, ou bien deux, ou bien cent, qu’à la fin de cette nuit, ton réveil soit différent, le chemin est infini… qu’en fais-tu maintenant… ? Que tu puisses un jour y croire, comme j’y crois à présent, que ça devienne ta victoire d’être là et vivant, que c’est le feu d’un espoir, quelque part en dedans, le chemin est une histoire, qui es-tu maintenant...?, maintenant que tu écoutes un ami, cette chanson simplement, que tu sois tout seul ici, ou bien deux, ou bien cent, qu’à la fin de cette nuit, ton réveil soit différent, le chemin est infini… qu’en fais-tu maintenant… ? Ton chemin est infini, c’est à toi… maintenant …»
Célia Voisin
Article republié par l'Olympia sur Twitter
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