L’art et l’émotion s’affrontent et se confondent en permanence sur la trame d’une histoire à la fois connue et à découvrir.
Dracula y est ici terriblement humain, sublimé par l’amour ravageur dont il cherche éperdument la réincarnation et qui « le mènera au pire » … Ne pouvant résister à la soif de sang qui le tient en vie, il se laisse pourtant guider par son cœur meurtri et croise ainsi autant de destins dont il finit par contrôler, un temps, la route.
Ce Dracula nous renvoie à notre propre image, à la différence près que lui, ose exprimer sa souffrance, comme chacun des personnages … Du drogué qui dès le jour de sa naissance s’est senti « porté disparu » par la vie, au journaliste qui témoigne malgré lui des horreurs de notre monde, au savant si pieux qui ne comprend pas que son dieu puisse livrer sa fille à l’enfer.
C’est enfin un nouveau souffle pour le spectacle musical, les décors multimédia sont novateurs et apportent une ambiance encore inexplorée jusque là. Efficaces, ils nous transportent d’un cadre à l’autre avec fluidité, donnant un cachet particulier à chaque tableau. L’interprétation est plus que magistrale, animale parfois, si bien que les âmes en sont toujours plus mises à nues et s'expriment avec une émotion inégalée.
Des voix puissantes, touchantes, qui livrent des messages aussi troublants que révoltants. Du triomphe de l’amour sur la mort, car il faut le souligner, Dracula reste avant tout un magnifique message d’amour … et de mise en garde. Tant de références ne peuvent que faire réfléchir, le 11 septembre, la Shoah, le mur de Berlin, les grands de ce monde qui furent méprisés, la nature en souffrance, ceux que l’on a privé de la vie ou de liberté au nom d’une guerre sans fin, de la science ; les bourreaux de ce monde à côté desquels Dracula n’apparaît comme qu’une goutte d’eau dans l’océan du mal. Les sentiments de colère, de souffrance, d’amour s’emmêlent lors d’un final poignant où Dracula finit par offrir sa vie en gage de son amour éternel.
La musique à la fois symphonique et rock est subtilement travaillée et prend au corps et au coeur. Un véritable langage chorégraphique a été créé et rend Dracula … magnétique, soumettant les autres à son pouvoir. Dracula fait écho à « Grand-lui », marionnette-narrateur de son histoire, sauf qu’il tire les cordes le reliant aux autres et que l’amour finira par briser. A noter ce poétique paso-doble qui illustre à la fois la force et la vulnérabilité, deux sentiments qui habiteront le spectacle jusqu’à la fin … Les costumes et les lumières donnent au spectacle un cachet esthétique particulier. Chaque détail, décors, costumes, mise en scène, textes, lumières, musiques, voix, s’enlacent tant à la perfection que la trame maîtresse du spectacle passe à la fois inaperçue et se tient présente. Comme un tableau de maître que l’on sent se révolter, séduire, se perdre, souffrir, aimer, sous le pinceau de son créateur.
Difficile de retenir une larme, à voir et revoir pour découvrir de nouvelles facettes, difficile de résister à l’envie de revenir dans cet univers miroir de nos émotions.
Célia Voisin
Pour visionner le spectacle : https://youtu.be/TgJE0VXcx04
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