Je savais que l’émotion me gagnerait, tôt ou tard, que certaines chansons laisseraient s’échapper une pluie fine de mes yeux. Je m’y étais attendue, préparée, tellement ce spectacle reste un des plus beaux, émouvants et intenses spectacles qu’il m’a été donné de voir. Finalement, ce fût plus fort et intense que tout... Car Les dix commandements, ce n’est pas qu’un spectacle inoubliable où le superlatif « pharaonique » n’est pas de trop et prend même tout son sens…
Les dix commandements ce sont aussi deux belles années de ma vie… Deux années « incroyables » dont je prends pleinement la mesure aujourd’hui. Je n’ai que 18 ans à l’époque, c’est l’année de mon bac. Alors que les ados de mon âge s’amusent entre eux les week-ends, moi je file à Paris depuis 2 ans déjà sous l’œil protecteur de mes parents. Mon argent poche ? Ce sont des billets de train. Mon loisir ? Il est professionnel. J’ai les cheveux courts, violines et un long manteau noir. Je dénote dans l’univers de mon lycée mais je me sens tellement à ma place quand je m’engouffre dans le métro parisien, direction les salles de spectacles. Invitée par un responsable de communication m’ayant vue à l’œuvre sur Notre-Dame de Paris, je suis arrivée sur Les dix commandements de façon inattendue. On me présente le webmaster du site internet officiel qui a besoin de main d’œuvre pour faire vivre le site. Et je vois mon rêve de journaliste artistique prendre vie... Je repars avec la mission de fournir le site en interviews, reportages, j’ai même un caméscope à ma disposition ! Oui, je suis bénévole mais regardez ce qu’on m’offre sur un plateau d’argent : un pass permanent pour accéder aux coulisses et une carte blanche pour ramener des reportages, le rêve pour la jeune fille que je suis qui grâce à ces petits boulots a déjà sa place réservée dans l’école de journalisme qu’elle rejoindra l’année suivante. Rendez-vous est pris quelques jours plus tard au Palais des sports…
Je rencontre une troupe formidable qui deviendra mon quotidien de week-end et vacances pendant 2 ans. J’assiste aux derniers filages, découvre le spectacle, pharaonique … Et c’est le mot. Le travail est intense, la mise en scène novatrice, tout ici est un élément à part entière du spectacle : décors, danseurs, costumes, voix, musiques, chansons. Je suis subjuguée. Etant une passionnée de l’Egypte ancienne depuis mon plus jeune âge, je vis un rêve éveillé. S’en suit le succès phénoménal que l’on connait… Pour moi, ce sont des souvenirs impérissables : assister au spectacle tant de fois qu’il m’est impossible de les compter ; arpenter les coulisses et interviewer beaucoup d’artistes, vivre l’envers du décor avec son lot d’anecdotes… Comme l’un qui nous sert le pied plutôt que la main quand il arrive alors que notre petite équipe est assise toujours au même endroit ; le rituel de la tortue avant chaque spectacle ; rappeler à une autre qu’elle est toujours en chaussons 5 mins avant son entrée en scène ; me faire piquer et planquer mon sac (que je finis par retrouver dans la loge du kiné en faisant sonner mon téléphone portable !) ; une soirée de nouvel an à filmer dont je rentre par le premier métro ; faire passer un ami protecteur pour un des gagnants du concours officiel (je peux le dire maintenant, il y a prescription lol) que nous avions organisé pour lui ouvrir les portes des coulisses alors qu’on ignore encore tous deux que le destin lui fera réaliser son rêve et rejoindre la troupe en tant que doublure de Ramsès ; la marmite géante de pâtes ou raviolis bolognaise servie entre deux spectacles ; une dernière au Palais des Sports pleine de surprises ... Avec des anachronismes comme Nourith qui porte une montre dernier cri, Ahmed qui sur un tableau porte des chaussettes dans ses sandales, Pablo qui porte un bracelet plastique vert pas vraiment d’époque… Mais aussi des blagues comme Ahmed qui jette des pièces à son harpiste et de l’émotion avec moi qui finit sur scène aux saluts avec toute la troupe… Ce soir-là, j’ai compris ce que ressentait chaque artiste chaque soir, voir cette foule debout qui applaudit à tout rompre et vous envoie une vague d’amour et d’énergie si intense…Voilà ce que Les dix commandements font résonner si fort en moi, même des années après …
Alors ce soir du 19 novembre 2016, de l’émotion, j’étais prête en recevoir. Mais pas à ce point là …. Dès que les lumières ont plongé la salle dans une douce obscurité, mon cœur a eu comme un premier raté. C’était comme si le temps s’était arrêté, comme chaque soir où j’assistais au spectacle. Les larmes me sont montées aux yeux aussitôt, témoins de retrouvailles inespérées. Ce soir, à l’AccorHotels Arena, je réalise vraiment que je vais revivre l’un des plus beaux spectacles qu’il m’a été donné de voir. J’imagine la joie des artistes, des anciens, des nouveaux ; de donner à nouveau vie à un spectacle qui aura marqué des milliers de personnes.
Quand les voix touchantes d’Anne et de Lisbet envahissent la salle, c’était comme si elles ne s’étaient jamais quittées. Chacune retrouve son personnage comme un vieil ami que l’on revoit avec joie, elles redonnent vie avec le même brio à ces deux mères qui se ressemblent tant dans les sentiments. Quel ravissement de retrouver les chorégraphies de Kamel, légèrement remises au goût du jour qui en font un ballet éclectique à l’image de notre humanité. La mise en scène d’Elie Chouraqui est même plus spectaculaire, les écrans nouvelle génération font leur effet et de nouveaux éléments de décor ont fait leur apparition. Mention spéciale au char de Ramsès, joli détail de l’histoire qui faisait défaut dans la toute première version et renforce la suprématie du pharaon.
Jocelyn, inoubliable Séti, donne vie à son rôle avec la même force posée. Il incarne le seul personnage dont on n’entend jamais la voix mais dont on n’oublie jamais la prestance. Parmi les danseurs, on retrouve avec plaisir des têtes connues et nouvelles avec ce même souci de bien faire et de se donner à fond… Leur sortie de scène est même un spectacle touchant à lui tout seul. De nouvelles voix ont fait leur apparition sur ce spectacle qui en a vu défilé de bien belles et plus que des voix, les nouveaux offrent des prestations saisissantes… Chapeau au coach vocal Ahmed Mouici, Ramsès de la première heure qui a visiblement su guider chacun à placer voix et intention, le spectacle apparaît ainsi déjà bien rodé. Vanina qui incarne Néfertari a su trouver les nuances de son rôle déchiré entre deux hommes, qui vivra la perte d’un enfant et son interprétation de l’Inacceptable est brillante d’émotions. Cylia, qui incarnait « Eve » il n’y a pas si longtemps apporte une chaleur au personnage de Sephora, elle rayonne littéralement comme un soleil pour Moïse. Micky qui a repris le rôle d’Aaron donne la sensation d’avoir déjà habité son personnage tant sa voix sur Devant la mer résonne de véracité. Sans oublier Charlotte dans le rôle de Myriam, la jeune sœur de Moïse, ses envolées sur les Je t’aime donne le frisson mais c’est sur le tableau L.I.B.R.E. qu’elle excelle en portant de sa voix intense un mot plus que jamais fort de sens. L.I.B.R.E. … cette chanson a toujours été un moment à part dans le spectacle … Les danseurs investissent la salle à la rencontre du public en chantant “liberté” comme un hymne à l’humanité. Dans cette nouvelle version, la magie opère toujours et plus intensément encore quand les danseurs invitent le public à se lever et à danser avec eux au milieu des allées… Cet instant est d’une beauté pure : chanter la liberté, danser, partager, vivre ensemble un moment de joie avec nos différences, dans une salle de spectacle et par les temps qui courent, c’est tout simplement une belle leçon de vie qui vous redonne foi en l’homme. Des temps forts, il y en a beaucoup sur Les dix commandements.
Les chansons phares qui ont accompagnées un moment de nos vies sont vécues comme des retrouvailles par ceux qui connaissent déjà le spectacle, les novices découvrent eux en live des monuments de l’histoire du spectacle musical. Pablo n’a rien changé de sa Peine maximum, il livre toujours les gestes et les paroles enchaînées avec force et conviction de sa voix mémorable. Joshaï qui doublait déjà le rôle de Moïse à l’époque incarne toujours ce personnage mythique avec une présence devenue presque innée et une voix toujours aussi cristalline. Merwan qui lui donnait déjà la réplique en doublant le rôle de Ramsès à l’époque offre un pharaon aussi puissant vocalement que charismatique. Il passe avec aisance du pharaon intraitable face au peuple soumis au père totalement dévasté par la mort de son fils et qui finit par rendre les armes, en livrant une belle palette d’émotions. Le duo qu’il forme avec Joshaï sur le titre Mon frère est des plus bouleversants, les artistes se renvoyant les paroles toujours plus intensément jusqu’à cette empoignade fraternelle. Puis quand l’Envie d’aimer résonne dans la salle, alors public et artistes ne forment plus qu’un même ensemble. C’est un bonheur de revoir ces artistes qui ont créé le spectacle et ceux qui ont rejoint l’aventure avec un souffle nouveau, de retrouver un décor et une mise en scène à la fois connue et sublimée. L’alliage donne un spectacle plus riche encore de mixité, de partage, de transmission, d’amour, d’humanité et d’unicité.
Un dernier mot à vous adresser en retour : merci, pour hier, aujourd’hui et demain…!
Mes photos sont visibles sur mon Instagram : https://www.instagram.com/celia_spectacles/
Joshaï Dixcom / Charlotte Berry Officiel / Merwan Rim / Jocelyn Durvel / Ahmed Mouici / Lisbet Guldbaek / Anne Warin / Cylia / Micky / Kamel Ouali / Pablo Villafranca /
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